Futurologie de l’audiophonologie (II.)
Des machines pour assister les médecins, des prothèses auditives qui s’adaptent en permanence à l’environnement… Les technologies de demain sont déjà dans toutes les têtes – et parfois même à portée de main.
Pour les médecins ORL, les avancées technologies de ces dernières années offrent dès aujourd’hui de nouvelles possibilités – et une forme de sécurité. Sans une imagerie de plus en plus précise, les chirurgiens n’iraient en effet sans doute pas si loin sans prendre de risques importants. « A terme, il sera possible de programmer tous les temps opératoires par un couplage à la radionavigation », explique Michel El Bez, médecin ORL, président du Club Alter Ăgo.
Précision du geste
Mais au-delà de l’imagerie, l’une des grandes attentes des médecins est de pouvoir compter sur l’exactitude du geste de la machine. « La radionavigation, couplée avec les robots, nous permettra certainement de réaliser des manipulations avec une précision que l’homme ne peut pas toujours avoir, en ORL en particulier où l’on intervient parfois à de toutes petites échelles – un étrier mesure 4 mm », rappelle-t-il.
« Après, il y a toujours le piège de la technologie : le robot pourra tomber en panne et il sera essentiel que le chirurgien sache s’en passer », reconnaît Michel El Bez. « J’ai un collègue qui refuse l’idée d’opérer une otospongiose sans laser, mais ce n’est pourtant pas plus compliqué. Il ne faut pas être prisonnier de la technologie, mais il serait dommage de ne pas profiter de ce qu’elle apporte ».
Manque de preuves
Reste que certains sont septiques face à la robotisation. Ainsi, pour Isabelle Wagner, médecin ORL à l’hôpital Foch de Suresnes, « de gros jouets et des gadgets complets coexistent avec des vraies innovations qui améliorent la pratique. Nous avons tous acheté des engins qui restent au fond du placard. » Alors que « l’on demande aux médicaments de prouver leur ASMR avec une procédure très lourde, on ne demande pas cela au matériel médical. Il n’y a pas d’évaluation coût-rentabilité des robots. Les seules études faites comparent robots et chirurgie externe. Mais Robot vs. cœlioscopie, cela ne s’est jamais fait. Les laboratoires de matériel développent tout et n’importe quoi. »
Un simple outil
« Il faut être honnête : nous ne sommes pas hyper-rationels avec le matériel, et oui, même dans la pratique chirurgicale, il y a un petit côté magique, chacun a ses petits rituels, ses petites manies dont il serait bien en peine d’expliquer qu’elles changent tout », ajoute-t-elle.
Il faut ajouter à cela le fait que, parfois, l’utilisation des dernières technologies répond à des attentes des patients : « le high tech rassure. On sent bien que si on utilise le laser, c’est mieux. Il y a un côté marketing », explique Philippe Baril, praticien hospitalier à l’hôpital de Saint-Denis, expert auprès des tribunaux.
Mais la technologie n’est pas – encore – toujours tout à fait au point. « L’utilisation de robots tels que le robot médical Da Vinci en chirurgie otologique est encore en phase de test, et n’a pas fait la preuve de son efficacité », affirme Bertrand Gardini, chirurgien ORL à Toulouse. « Quant à la chirurgie à distance, développée notamment par les médecins militaires, elle implique pour le moment un délai de latence important, empêchant l’utilisation dans toutes les spécialités. »
Même le fondateur de Medtech, qui fabrique le robot Rosa, Bertin Nahum, expliquait dans une interview à Futura Sciences que si « la technologie en général – et la robotique en particulier – a un rôle à jouer de façon à fiabiliser [certains] actes chirurgicaux », développer une « technologie qui anticiperait tous ces scénarios paraît extrêmement difficile et sa valeur ajoutée serait relativement faible. » Pour lui, « il vaut mieux concentrer la technologie sur la très grande majorité des cas et se servir de l’expérience du chirurgien pour les quelques cas extrêmement minoritaires au cours desquels les choses pourraient se dérouler de façon différente. »
Le robot, tout perfectionné qu’il soit, reste donc avant tout un outil, et il n’est, pour l’heure en tout cas, pas question d’imaginer des droïdes façon Star Wars capables de faire des diagnostics. « La robotisation de la médecine ORL n’est pas pour tout de suite », conclut Bertrand Gardini. « Rien ne remplace pour le moment l’analyse de l’homme, son sens clinique, sa prise en compte des variations anatomiques. A l’avenir, l’homme pourra être assisté par une machine, mais une machine ne pourra pas remplacer l’homme tant que l’intelligence artificielle n’aura pas été davantage développée »… et tant que les machines n’auront ni intuition ni empathie ?