Les acouphènes font leur buzz

Neuvième congrès déjà et une participation croissante : discipline longtemps ignorée, l’acouphénologie a le vent en poupe. Prochain rendez-vous les 14 et 15 septembre 2018 avec invités de marque et chercheurs de tous horizons scientifiques et géographiques. Si le programme complet n’est pas encore arrêté, le docteur Alain Londéro, – qu’il nous pardonne de le présenter comme « le Monsieur acouphènes » du club Alter Ᾰgo -, lève un premier coin du voile.

L’intitulé exact de l’événement est : « 9e congrès francophone des équipes transdisciplinaires en acouphénologie ». Vous pouvez nous en dire davantage ?
Oui, parce que chacun de ces mots a son importance. D’abord, il faut préciser qu’une équipe d’acouphénologie, c’est un ensemble de professionnels de santé qui collaborent et adhèrent à une charte de bonnes pratiques. Un médecin ORL y joue le rôle de pivot de la prise en charge, et travaille en lien avec en général un audioprothésiste et d’autres professionnels qui peuvent être psychologue ou neuropsychologue, sophrologue ou hypnothérapeute. Il existe aujourd’hui une quarantaine de telles équipes en France. Tout professionnel de santé intervenant dans la prise en charge du patient acouphénique peut, sur le site de l’AFREPA(1), entreprendre la démarche de candidature pour rejoindre ces équipes.
Ensuite, le mot francophone est un ajout récent. Initialement, il s’agissait du congrès de l’Association française des équipes pluridisciplinaires en acouphénologie. Cela avait été lancé par le Docteur Martine Ohresser qui vient de prendre sa retraite et est maintenant Présidente d’honneur de l’AFREPA, tandis que la présidence est échue au Docteur Marie-José Fraysse. L’événement a progressivement cru en importance, de quelques dizaines de personnes au début à plus de 150 lors de la dernière édition, et depuis quelques années nous accueillons des équipes venues de Belgique ou de Suisse – d’où ce terme de ‘francophone’.

Comment se présente l’édition 2018 ?
Sous des auspices favorables. Nous attendons 450 participants qui seront accueillis au Palais des congrès de Versailles. L’un des objectifs pour 2018 est de pouvoir bénéficier d’éclairages provenant d’horizons différents. Nous aurons ainsi la participation d’orthophonistes, de neuropsychologues, d’un philosophe et même du médecin et journaliste Michel Cymes. Comme tous les ans, nous accueillerons des collègues étrangers – de Nouvelle-Zélande, de Belgique, du Canada, et d’Angleterre.
Bien sûr, rien de tout cela ne serait possible dans l’appui de nos partenaires : France Acouphène, la Semaine du son, la Journée nationale de l’audition, et certaines mutuelles qui nous aident.
Le but est d’échanger sur les avancées en matière de diagnostic, la méthodologie des prises en charge, les résultats des différentes méthodes thérapeutiques. Comme dans les éditions précédentes, cela se fera par des présentations académiques, mais aussi par des ateliers transdisciplinaires où les participants peuvent interagir – ce qui est essentiel parce que dans ce domaine, personne ne détient la vérité, et que chacun des professionnels apporte une partie de la solution.

Il y a de cela quelques années, à l’occasion d’un débat d’Alter Ăgo, les médecins du club semblaient s’accorder pour dire qu’on ne pouvait rien faire pour une majorité de patients acouphéniques. Est-ce toujours le cas ?
Oui et non. Oui car dans la majorité des cas, on ne peut pas faire disparaître les acouphènes et/ou l’hyperacousie – qui souvent les accompagne. On peut y arriver dans certains cas, comme pour un patient atteint d’une otospongiose qui a de fortes chances de voir son acouphène se réduire ou disparaître après opération. Mais en général, l’acouphène se présente comme une séquelle perceptive pour laquelle il n’y a pas de solution curative à proprement parler.
En revanche, ce qui a significativement progressé, ce sont les stratégies thérapeutiques scientifiquement validées pour amener le patient à mieux tolérer ses acouphènes, lui rendre ces derniers moins inconfortables. Il s’agit de faire disparaître non pas l’acouphène, mais la gêne qu’il occasionne – c’est ce que les psychologues appellent l’habituation. La meilleure analogie est je crois celle des douleurs chroniques post-amputation : on ne peut bien sûr remettre le membre, mais les centres anti-douleurs peuvent proposer une prise en charge psychologique, on peut procéder par des stimulations électriques (sonores dans le cas des acouphènes) et mobiliser ainsi un ensemble de méthodes pour réduire ou supprimer la gêne physique, morale et sociale. Cela répond à la définition actuelle de la santé retenue par l’OMS, qui prend en compte le bien-être.
Un autre axe de progression, dans lequel beaucoup reste à faire, c’est celui de la reconnaissance de la pathologie que représentent les acouphènes. Aujourd’hui, ce sujet reste largement méconnu, avec deux conséquences vraiment préjudiciables. La première est une prise en charge insuffisante des acouphènes, y compris par les MDPH, notamment pour l’acquisition d’aides auditives. C’est un grand sujet de préoccupation pour les associations de patients. La seconde, ce sont des lacunes énormes en matière de prévention, dans une société vieillissante où les jeunes s’abîment les oreilles avec une exposition massive à la musique amplifiée.

(1) Association francophone des équipes pluridisciplinaires en acouphénologie. : https://www.afrepa.org/